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4.Méditations de proches


La mort prématurée du Juste

Nous sommes deux étudiantes grenobloises vivant toutes deux au foyer de la communauté du Chemin Neuf de Grenoble. Nous avons été amenées à rencontrer Pierre grâce à la chorale Jubilate et à la messe des jeunes à St Joseph le dimanche soir.
Même si nous ne connaissions pas personnellement Pierre, nous avons été très affectées d'apprendre sa disparition ainsi que celle de son frère et nous aimerions vous partager un témoignage.
Suite à la nouvelle, nous avons ressenti une profonde douleur et une profonde incompréhension, mais aussi l'impression de nous approprier une peine qui n'était pas la nôtre. 
En retraite à l'abbaye d'Hautecombe la semaine dernière, nous avons prié ensemble un soir à l'oratoire, pour confier tout cela au Seigneur... et voici la Parole que nous avons reçue dans la priere, sans la chercher: Elle est extraite du livre de la Sagesse de Salomon - "La mort prématurée du juste". Cette parole nous as comblées de joie et d'apaisement pour Pierre et Charles, et nous as permis de comprendre leur retour à Dieu.


Le juste, même s'il meurt avant l'âge, trouvera le repos.
La vieillesse honorable n'est pas celle que donnent de longs jours,
elle ne se mesure pas au nombre des années ;
c'est cheveux blancs pour les hommes que l'intelligence ,
c'est un âge avancé qu'une vie sans tâche.
Devenu agréable à Dieu, il a été aimé, 
et, comme il vivait parmi des pêcheurs, il a été transféré.
Il a été enlevé, de peur que la malice n'altère son jugement
ou que la fourberie ne séduise son âme ;
car la fascination de ce qui est vil obscurcit le bien
et le tourbillon de la convoitise gâte un esprit sans malice. 
Devenu parfait en peu de temps, il a fourni une longue carrière.
Son âme était agréable au Seigneur,
Aussi est-elle sortie en hâte du milieu de la perversité.

Les foules voient cela sans comprendre,
et il ne leur vient pas à la pensée
que la grâce et la miséricorde sont pour ses élus
et sa visite pour ses saints.


Livre de la Sagesse, 4, 7-15


Eclaireurs, vous ouvrez des voies nouvelles.

Avides d’absolu, vous tutoyiez les cimes.
Unis par la cordée du sang depuis l’origine, 
vous étiez la complicité faite chair.
Habités par l’idéal, vous dessiniez votre histoire dans les territoires purs de la blancheur et de l’azur.
Façonnés par l’esprit de service, vous saviez aussi redescendre au cœur de l’humain, humblement, simplement.
Vous aviez l’avenir au bout des skis : les lendemains avaient le goût de la promesse. D’autres sommets, d’autres défis. D’autres fraternités.
Mais la vie a dévissé trop tôt. 
La noire blancheur vous a pris votre jeunesse.
Les hauteurs vous ont emportés vers le Ciel.
Nous sommes dans les abîmes de la peine,
Vous nous demandez l’impossible.
Mais, premiers de cordée toujours, vous nous hissez vers l’Espérance.
Eclaireurs, vous ouvrez des voies nouvelles.
Vos étoiles luisent dans l’aube et nous guident.

par Cyril, oncle de Pierre et Charles

"Tu es au sommet" 

Chant en hommage à notre cher choriste ténor Pierre, par la chorale du Chemin-Neuf à Grenoble 


Tu as levé les yeux, là-haut vers les montagnes Sim / Ré 
Attendant le secours, de ton plus bel ombrage… La / Sim 
Toi, citoyen des cieux, la tête dans Ses nuages, Ré 
Désormais tu cours vers un autre rivage ! La / Sim 

Adieu l’ami, Adieu mon frère ! La / Ré 
Poursuis ta vie dans Sa Lumière ! Fa# / Sim 
Adieu l’ami, Adieu mon frère ! La / Ré 
Te voici dans les bras du Père ! Fa# / Sim 
Tu es au sommet ! Sol / Ré / La 
Le plus élevé ! Sol / Ré / La 
Tu es au sommet ! Sol / Ré / La 
De Son Eternité __ ! Sim / La / Sol / Ré 

Tu as remis ta vie dans les mains du Seigneur, Sim / Ré 
Pour que demeure en Lui, les battements de ton cœur : La / Sim 
Là où la nuit s’achève, où le soleil se lève, Ré 
Pour une joie nouvelle, une vie éternelle ! La / Sim 

Adieu l’ami, Adieu mon frère ! La / Ré 
Poursuis ta vie dans Sa Lumière ! Fa# / Sim 
Adieu l’ami, Adieu mon frère ! La / Ré 
Te voici dans les bras du Père ! Fa# / Sim


  Le Ciel devient familier

Avec le départ d’un des siens la Famille ne se détruit pas.
Elle se transforme : une part s’en va dans l’Invisible.
On croit que la Mort est une absence, alors qu’elle est une présence secrète.
On croit qu’elle crée une infinie distance en ramenant à l’Esprit ce qui se localisait dans la Chair.

Plus il y a d’êtres qui ont quitté le foyer, plus les survivants ont d’attaches célestes : 
le Ciel n’est plus alors uniquement conçu comme étant peuplé d’anges, de Saints inconnus et du Dieu mystérieux.
Il devient familier : c’est la maison de famille, la maison en son étage supérieur.
Et du haut en bas : le souvenir, les secours, les appels se répondent.

Réfléxion du père SERTILLANGES, envoyée par un proche



La même joie !




Je souhaite aussi partager avec vous une sagesse orientale qui veut que l'on rappelle qu'au moment de la naissance 
tout le monde accueille les nouveaux-nés dans les rires et la joie alors qu'ils arrivent en pleurant. 

Aujourd'hui tout le monde les regarde partir en les pleurant et dans la tristesse. 

Nous croyons qu'ils nous regardent maintenant avec compassion et dans la même joie, à leur tour, qui vous a animée lors de leur arrivée.


D'un cousin











Au revoir Charles, au revoir Pierre.

La neige tombée en abondance samedi a recouvert toute trace, 

là-haut sur les sommets tant appréciés que Charles et Pierre ont foulé pour la dernière fois le jour du réveillon de Noël.
La neige atténue tous les bruits et seul reste aujourd’hui le murmure du vent, 

comme si le paysage avait figé l’instant, où dans un commun élan, tous deux sont partis doucement.
Le froid glacial s’est installé : l’hiver est vraiment arrivé et pas seulement sur les sommets.
Que leurs yeux continuent de briller comme scintillent les flocons de la neige, 
que leurs cœurs continuent d’aimer ces paysages de liberté, 
que leurs âmes toujours demeurent dans la paix puisqu’elles se sont envolées auprès de Dieu pour l’éternité.
Que la fragilité de la vie nous rappelle la valeur que nous devons lui accorder.
Au revoir Charles, au revoir Pierre.

par une mère de scout


Caresser le visage de Dieu

C’est à l’Aumônerie de Salon que j’ai rencontré Charles. Discret et délicat, il était un des membres les plus investis. Apprécié de tous par son énergie à faire vivre ce groupe, je crois que de tous, il était le seul à ne jamais se plaindre. Une qualité remarquable.
Il existe un poème que je souhaite partager avec vous aujourd’hui. C’est au Colorado au sein de l’Ecole de l’Air américaine qu’il est déclamé lorsqu’un élève officier est frappé par la mort. En voici une traduction, qui convient très bien à la personne de Charles :

                                                                      


"Je me suis libéré des emprises de
la Terre et j’ai dansé dans le ciel sur des ailes argentées d’un 
grand rire. 
Je suis allé vers le soleil, et j’ai rejoint les cascades chaotiques de nuages tranchés de lumière.
Et là, j’ai vécu des moments dont vous n’avez jamais rêvé !
Voler, planer, balancer si haut dans le silence solaire…
Suspendu, j’ai pourchassé le vent hurlant et lancé mon vaisseau au travers de fabuleuses cavernes, pleines d’un air raffiné.
Haut, plus haut au long d’un délire de Bleu brulant, j’ai survolé les sommets balayés de vent, 
dans une sérénité que nul aigle, nulles alouettes n’ont jamais vécu. (…) 
Puis, alors que mon esprit silencieux s’élevait, au travers du sanctuaire inviolé de l’Espace…
j’ai sorti une main…et caressé le visage de Dieu".

John Gillespie Magee Jr


d'un ami officier de Charles
 




par les sommets, vers Toi !

Seigneur Jésus,
Toi qui as fait un si long déplacement d’auprès du Père pour venir planter ta tente parmi nous ;
Toi qui es né au hasard d’un voyage, et as couru toutes les routes, 
celle de l’exil, celle des pèlerinages, celle de la prédication :
tire-moi de mon égoïsme et de mon confort, fais de moi un pèlerin.

Seigneur Jésus,
Toi qui as pris si souvent le chemin de la montagne,
pour trouver le silence, retrouver le Père ;
pour enseigner tes apôtres, proclamer les béatitudes ;
pour offrir ton sacrifice, envoyer tes apôtres, et faire retour au Père ;
A l’exemple de saint Bernard, j’ai à écouter ta parole,
j’ai à me laisser ébranler par ton amour.

Sans cesse tenté de vivre tranquille,
Tu me demandes de risquer ma vie,
comme Abraham, dans un acte de foi.
Sans cesse tenté de m’installer,
Tu me demandes de marcher en espérance vers Toi le plus haut sommet dans la gloire du Père.

Créé par amour, pour aimer, fais, Seigneur, que je marche, que je monte, par les sommets vers Toi, 
avec toute ma vie, avec tous mes frères, avec toute la création, dans l’audace et l’adoration.

Amen.

Patrick Gabarrou, guide de haute montagne



Bénédiction

Dans son infinie pédagogie, le Seigneur nous distille par Son Eglise des clins de Parole réguliers pour rejoindre nos pensées les plus intimes, pour revisiter en permanence les images que notre chagrin pourrait immobiliser dans le ciment de la détresse, en oubliant qu’Il est le Dieu de la Vie. 

Pierre et Charles, 
Dans la poésie de nos frères aînés, les mains étaient le symbole de l’agir et le cœur le lieu de la conscience profonde et de l’intelligence de la vie. 
Ces mains, qui vous ont hissé au sommet, et ce cœur, qui a été le moteur de cette ascension, témoignent avec lumière de votre désir de vous dépasser dans un absolu où le mal n’aurait plus de place, mais sans perdre de vue ni les pentes ni la vallée où demeurent tous les prochains que vous vouliez entraîner dans cette course au bonheur.
Que vos paumes ouvertes restent tendues vers eux et que la pureté de votre cœur les enveloppe du courage de poursuivre la course vers l’Amour, en qui nous nous retrouverons tous pour la louange éternelle.
Et que la bénédiction du Seigneur que vous avez reçue en plénitude rejaillisse sur tous.


Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se [lever] dans [son] lieu saint ?
L’homme aux mains innocentes et au cœur pur […].
Il obtient, du Seigneur, la bénédiction. 

Psaume 23

d'un ami de la famille



 "Quelques mots" 


  Des cris d' une espérance folle
Des larmes a n'en plus finir
Accompagnent votre danse
Tourbillon qui vous entraîne
Dieu sait où
Tourbillon qui nous entraine
Dieu sait où
La montagne
Haute
Glaciale
Implacable
Fait rêver
Et brise les rêves
Le noël de la naissance
Devient celui de la mort
Et nos mots
Baumes fragiles
Demandent a Dieu
Pourquoi?
Pour quoi
Il accueille si tôt
Il accueille trop tôt
Ces deux enfants
Ses deux enfants
Nos demandes sont des cris
Et des prieres
Et des silences aussi
Elles disent
La peine de l' ami
La douleur des parents
La souffrances des soeurs et des frères
Devant l' indicible 
Elles disent que
Devant la mort
Nous sommes frères 
Car
Avec Charles et avec Pierre
Nous osons encore dire
Notre Père

De Philippe D., un ami des parents de Pierre et Charles 


Méditation "l'Atlas" 


Dominant la grisaille de la ville, il est une barre rocheuse dont les cimes écrasent le plafond bleu. Comme un tapis de velours, la neige couvre les sommets et se blottit dans les sillons de ce vieux visage craquelé. Ce vieux visage qui, soudain, se disloque et engloutit ceux qui l’aiment de trop près.
Élancée et trapue, glaciale et torride, forte et fragile. La montagne porte le monde sur ses épaules.
Le soleil miroite sur les cristaux de neige, de glace, de roche. Les pas de l’homme sont lourds, mais vigoureux. Sa force s’exprime dans sa plénitude, calme et endurante. Les rayons du jour effleurent la silhouette du massif, formant un voile doré dans lequel les ombres dansent. L’homme souffle et compte ses pas. Il plante son piolet dans le gel qui s’émiette sous le coup. Le froid referme ses griffes sur l’instrument, l’homme se hisse. Au bout du couloir, la neige sera vierge de tout pas, le monde sera neuf, silencieux. Seuls l’attendent des pics ensoleillés, des plages blanches, des océans de nuages.
Et le ciel, ce ciel profond…

L’homme grimpe doucement, mais sûrement – comme chaque pas qu’il pose dans sa vie – pour s’élever au-dessus des nuages. La lumière sera blanche, orange ou mauve, peut-être même l’ombre l’emportera-t-elle. Il ne suffit pas de le savoir, il faut monter pour s’éblouir de ces merveilles, pour élargir son cœur d’homme à la contemplation de la Création divine.
Le pays des mille sensations imprègne le corps de fatigue, de douleur, de froid agressif…, de paix et de douceur. Chaque pas est une prière, chaque regard s’étonne et se perd dans la beauté parfaite du paysage.
Les nuages s’écartent pour offrir une trouée au soleil. Ils flottent, se referment sur la lumière, dévalent le long des roches…
Enfin, le ciel se dévoile dans son immensité.
Dans les hauteurs, le vent a souligné les reliefs en soufflant sur la neige. Les pointes rocheuses se sont libérées du manteau immaculé, alors que des contreforts blancs se pressent contre leurs racines. Le paysage disparaît sous les pieds de l’homme, les nuages coupent le cordage qui le liait encore au monde. Ils forment un sol nouveau sur lequel il faut s’appuyer pour grimper encore, et admirer de plus haut ces champs cotonneux que seules transpercent quelques cimes enneigées.


Chaque ascension est un exploit physique, une victoire spirituelle. Quand, à l’accomplissement de ce périple, l’alpiniste lève les bras vers le ciel, son sourire triomphant est une louange profonde qui monte vers Dieu.
L’Atlas porte le monde sur ses épaules. Joie et douleur sont immenses, l’homme y songe sans cesse. Il est prudent, mais la nature est une reine imprévisible. Il suffit d’un coup de passion pour que la montagne étouffe son amoureux d’une étreinte mortelle.
Ni les cris ni le silence n’ébranleront ce visage impassible : les pierres qui portent le monde sont mères des émotions. Les sommets, irréductibles, s’élèvent sans changer d’apparence. 
Noce et deuil portent le vêtement blanc.
Dans ce voile pur demeure l’espérance.
La lumière, or, orange ou mauve, se reflète pour réchauffer les cœurs et les mener à Dieu.

Vers les hauteurs !

d'une amie de Pierre de Polytech 




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