Autres homélies
Homélie pour l'épiphanie. Ces grands frères du ciel que Dieu nous donne
Fête de l'Epiphanie, paroisse Saint Antoine de Versailles, le 4 Janvier 2015
Par le P. Pierre-Hervé Grosjean
Alors que nous préparions Noël dans la nuit du 24 Décembre, Pierre et Charles ont été emportés dans une avalanche. Leur famille, au cœur même de cette joie de Noël, a été plongée dans une peine indicible.
Pierre et Charles, je les connaissais parce que j’avais été leur aumônier scout.
Je les ai connus quand ils avaient 15 / 16 ans, quand j’étais moi-même vicaire à la cathédrale.
Par la suite, je les avais un peu perdu de vue. Je les suivais de loin parce que j’avais changé de paroisse et puis eux sont partis pour leurs études supérieures. L’un avait intégré l’école de l'air et l’autre une école d’ingénieur à Grenoble.
Quand on est vicaire à Saint Antoine du Chesnay où à la Cathédrale, on voit passer beaucoup de jeunes mais Pierre et Charles étaient de ceux dont on se souvient longtemps.
Des cœurs purs, un sourire franc, des garçons d’une clarté étonnante, qui avançaient droitement… sans doute que leur amour de la montagne révélait ce goût des hauteurs qui éclairait tous leurs engagements.
Pourquoi je vous dis cela ? Parce que j’ai été bouleversé comme beaucoup d’autres en découvrant les témoignages qui ont afflué, en particulier de leurs amis, étudiants, à Grenoble, à l’école de l’air, à Versailles.
Ces deux garçons modestes, assez humbles, parce qu’ils avaient simplement pris au sérieux leur vie chrétienne, leur vie scout, ont eu un rayonnement dont nous soupçonnions pas l’ampleur, l’étendue.
Nous avons été marqués par les témoignages bouleversants de jeunes qui ont tous dit la même chose : "Pierre et Charles nous ont fait grandir". Des jeunes parfois loin de l’Eglise, des jeunes qu’ils avaient rencontrés en école, des amis proches, qui ont tous dit le rayonnement de ces deux garçons. On les aurait pas forcement repérés s’ils avaient été parmi nous ce soir parce qu’ils étaient humbles.
Pourquoi je vous dis cela ? Parce qu’il y a deux choses dans cet évangile de l’épiphanie que j’ai mieux comprises à la lumière du départ de Pierre et Charles : La première c’est l’étoile. Pour aller jusqu’à la crèche, pour découvrir l’enfant Jésus, les Rois Mages ont dû suivre une étoile. Forcément, nous avons tous eu cette question en apprenant la mort de Pierre et Charles: Pourquoi Seigneur ? Pourquoi cette vie arrêtée maintenant? Deux garçons si prometteurs, pleins d‘avenir, extras. Pourquoi? Et puis je suis tombé sur un texte de Benoit XVI, qui disait :
« les saints dans l’Eglise, c’est comme la constellation de Dieu », ces étoiles qui nous sont données pour trouver Dieu.
Je ne veux pas canoniser Pierre et Charles. Il faut prier pour eux, pour qu’ils soient accueillis dans la joie du ciel. Mais il me semble, quand même, que ces destins assez étonnants et si particuliers de vies si courtes, trop tôt arrêtées, et pourtant qu’on découvre si pleines, parce que données, ces destins... ces vies nous sont sûrement offertes, comme des étoiles à suivre, comme des comètes qui passent vite, trop vite mais qui brillent, et qui montrent le chemin.
C’est une vraie question pour nous mes amis ; quelle étoile suis tu ? A quelle étoile accroches-tu ta vie pour trouver Dieu ?
Il me semble, voyez-vous, que dans ces grands frères du ciel que Dieu nous donne, que dans ces saints connus ou inconnus, il nous faut choisir parmi eux telle ou telle étoile qui nous éclaire, qui nous fait avancer. Quand le chemin est trop difficile, quand le poids de nos faiblesses se fait sentir, on a besoin d’une étoile pour arriver jusqu’à Bethleem.Pierre avait en particulier une affection particulière pour Pier Giorgio Frassati. Il était entrain de lire la vie de Pier Giorgio Frassati pour la seconde fois. Ce jeune saint, amoureux de la montagne, mort à 24 ans, tout récent, que Jean Paul II a béatifié et a offert comme saint patron, comme exemple à tous les sportifs, les jeunes et montagnards.
Pier Giorgio Frassati a rayonné toute sa vie étudiante par sa joie, sa clarté, par sa pureté.
On comprend cette affection qu’avait Pierre pour lui et ses parents nous l'ont confié. Pierre avait choisi Pier Giorgio Frassati pour être son grand frère du ciel, comme une étoile à suivre.
Voyez, s’est le premier enseignement à tirer de cela : quelle étoile je vais suivre parmi tous les saints que Dieu me donne, parmi tous ceux qui m’ont précédés, parmi ces grands frères et grandes sœurs du ciel, que sans doute vous avez, vous connaissez autour de vous, dans vos familles, dans vos amis… une étoile, c’est à dire quelqu’un comme ces deux jeunes là, quelqu’un qui éclaire ma route.Et la seconde chose, le second enseignement que je retiens : l’Epiphanie cela veut dire manifestation.
Dieu se révèle, Dieu s’est manifesté aux nations païennes au travers des rois mages. Et bien, aujourd’hui le lieu de la manifestation de Dieu, ce sont nos vies.
Dieu veut se révéler au monde par nos vies, par la vie des chrétiens. Pierre et Charles étaient deux garçons « normaux » d’une certaine façon. Ils avaient une vie d’étudiants avec les joies et les combats que n’importe quel étudiant peut connaitre.
Ils avaient simplement pris au sérieux leur vie chrétienne, leur promesse scout, leur désir de servir.
Ils avaient un grand désir, non seulement de sainteté, mais aussi d’apostolat : beaucoup ont découvert Dieu ou redécouvert Dieu à travers eux, à travers leur vie.
Je suis sûr que Pierre et Charles ne s’en sont pas vraiment rendu compte, mais nous le découvrons maintenant parce que les témoignages affluent à cause de leur mort mais cela aurait pu continuer, à leur insu, sans le savoir, sans même chercher à le savoir. Simplement parce que voilà, deux chrétiens qui essayaient de vivre leur foi chrétienne, non pas tièdement mais de tout leur cœur, et bien forcement, cela rayonne. Et c’est un enseignement pour nous tous et un encouragement pour nous tous mes amis.
Nous avons parfois de la peine à le croire, du mal à le croire, mais chacune de vos vies peut être le lieu de la manifestation de Dieu pour ceux qui vous entourent.
Et c’est même cela qu’il faut désirer. Voyez, souvent pour nous même, on est assez paresseux, on est assez tiède. C’est vrai. Mais alors c’est un encouragement extraordinaire de se dire que si je vais cette année 2015 prendre la résolution - et m’y tenir - de prier un peu plus chaque jour, si je vais aller plus souvent me confesser, avec plus de franchise encore, si je vais communier autant que je peux, si je vais vivre la charité, m’engager, si je vais essayer de témoigner autour de moi, ce n’est pas seulement pour moi, c’est parce que je voudrais tant que d’autres découvrent le Christ à travers moi. Sans fierté, ce n’est pas pour m’enorgueillir. D’ailleurs, Dieu ne permettra pas que vous vous en rendiez compte. Souvent, Dieu permet que l’on ne voit pas trop le bien que l’on fait, heureusement pour notre humilité. Ne vous inquiétez pas de cela.
Mais à travers vous, à votre insu, Dieu peut, Dieu veut se révéler, veut se manifester à ceux qui vous entourent. Et pour moi, cela a été un encouragement profond de me dire : mais si Dieu a pu faire tout ce bien que je découvre, à travers ces deux garçons, mais alors qu’est-ce que j’attends pour être vraiment chrétien? Qu’est-ce que j’attends pour être un saint? Qu’est-ce que j’attends pour arrêter d’être tiède, pour arrêter de négocier le temps que je donne à Dieu, pour arrêter de faire les choses à moitié ? Qu’est ce que j’attends ?
Dieu me fait découvrir à travers cet exemple, la fécondité que peut avoir une vie. Non pas parce qu’elle est longue, mais parce qu’elle est donnée, parce qu’elle est vécu pleinement, parce qu’elle est vécu à 100 %, parce qu’elle est vécu vers les hauteurs. Alors voilà la deuxième suggestion que je vous fais, un enseignement à en tirer, mes amis : tout simplement c’est de reprendre la devise de Pier Giorgio Frassati que Pierre avait fait sienne : « verso l’alto » : vers les hauteurs. C’est beau comme devise, surtout pour des jeunes qui construisent leur vie.
Et bien que, à la suite de Pierre et Charles, à la suite de tous nos grands frères et sœurs du ciel, que nous puissions, tels que nous sommes, avec nos faiblesses, nos fragilités - Pierre et Charles avaient les leurs, ils avaient leurs combat, ils avaient leurs difficultés - à travers tout cela, que nous puissions avoir ce goût du ciel, ce goût des sommets, ce gout des cimes, ce goût de ce qui est beau, de ce qui est grand, ce qui est vrai et que nous soyons, à leur suite, des premiers de cordées. Que nous puissions croire que nous pouvons l’être, non pas parce que nous sommes meilleurs, mais parce que nous laissons Dieu agir en nous.
Il faut que nous laissions Dieu agir en nous et nous aurons la joie de découvrir qu’à chaque fois que nous avançons vers Dieu, nous entraînons ceux qui nous entourent. Je le dis en particulier pour les jeunes dans vos groupes d’amis. Si un, deux ou trois osent avoir le désir, l’audace des sommets, alors c’e st tout le groupe d’amis qui est tiré vers le haut, c’est tout le groupe d’amis qui goutent à cette clarté, osez y croire.
Osez vivre « verso l’alto » ! Dieu se manifestera alors dans vos vies et à travers vos vies pour ceux qui vous entourent
Amen
Homélie pour la Toussaint. Qui donc est saint?
Fête de la Toussaint, 1 er Novembre 2015, Paroisse Notre-Dame de Versailles
Par le P. Pierre Delort-Laval, Curé
QUI DONC EST SAINT ?
Dans le cadre d'une veillée de prière au lendemain de la mort accidentelle de deux jumeaux de 22 ans d'un accident de montagne il y a quelques mois, leurs amis ont témoigné à leur sujet.
Ils ont dit d'eux du bien. Mais plusieurs ont dit aussi que depuis qu'ils les avaient rencontrés, l'un ou l'autre, ils avaient réorienté leur vie dans le sens du bien, de l'espérance, de la confiance, de la dignité...
Ces témoignages m'ont touché. Ils donnent peut-être le vrai critère de la sainteté : les fruits que porte notre vie dans la vie des autres. Ce critère me semble meilleur que celui qui consiste à chercher en soi-même des raisons de se trouver bien. Ce critère n'est pas confortable parce qu'il ne nous appartient pas. Mais il a l'avantage de ne pas nous centrer sur nous-mêmes.
Ce critère vaut à un autre avantage : celui de pouvoir servir non seulement pour une personne mais aussi pour une communauté. Quels fruits porte notre vie paroissiale dans notre quartier, notre ville ? Une telle question est prioritaire pour un encore nouveau curé et pour toute la communauté chrétienne "appelée pour témoigner des merveilles de Dieu pour tous les vivants".
Homélie pour une messe de Noel
Notre-Dame-de-Nantes, Messe de Noël, 24 décembre 2015
par le P. Sébastien de Groulard, Curé
"Passionnés de Dieu et passionnés des hommes"
Frères et sœurs, que sommes nous venus chercher ce soir ? Pourquoi en cette nuit, nous pressons-nous dans cette église ? Les bergers ont quitté leurs champs « pour voir ce qui est arrivé, l’évènement que le Seigneur [leur] a fait connaître ».
Nous même, ce qui nous rassemble est un évènement. La venue de Dieu dans l’histoire des hommes. Quel mystère…
Mais qu’est-ce que cela signifie… ? Que nous sommes venus faire mémoire une belle histoire du passé ? Entendre un conte charmant qui nous invite à la douceur, à l’attention au plus fragile à partir de l’exemple d’un nourrisson dans une mangeoire ? Pour une part, bien sûr.
Bien plus, l’évènement qui nous rassemble est un évènement « au présent ». C’est la venue de Dieu, dans notre assemblée. Au quatrième siècle, Saint Ambroise disait « cela m’importe peu que Jésus soit né à Bethléem, s’il ne nait pas en moi ». Aujourd’hui.
Mystère incroyable de la venue de Dieu qui veut investir le cœur de chacun. Mystère de lumière et de vie. Mystère du salut qui veut rejoindre notre humanité secouée, blessée, désorientée par le mystère du mal et du péché….
Nous avons tous en mémoire les douloureux évènements de la mi-novembre. Nous savons la crise que traverse le monde contemporain – économique, géopolitique, climatique. Nous portons tous dans le secret de notre cœur, tant d’épreuves, tant de divisions, tant d’inquiétudes et de misères – dont certaines sont cachées et qu’il nous faut assumer seul.
Sur ce plan, notre humanité n’est pas tellement différente de celle de l’Empereur Auguste, « lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie ». Ce monde là était déjà marqué par des luttes entre nations et la violence. Bientôt, les saints innocents vont être massacrés. Les hommes et les femmes étaient déjà habités par les mêmes inquiétudes – se nourrir, se loger, se vêtir. Marie et Joseph en savent quelque chose.
Alors, Dieu est venu dans l’histoire des hommes. Dieu aime tellement l’homme qu’il lui a donné son Fils unique, pour nous sauver.
Le grand mystère de Dieu, mystère de vie et de lumière n’a besoin que d’une chose pour accomplir son œuvre… Etre accueilli. Etre reconnu. Ce mystère est offert à notre liberté humaine.
Marie, librement, a répondu à l’ange : « qu’il me soit fait selon ta Parole ». Joseph, librement, a accueilli chez lui sa fiancée – et l’enfant « auquel il donna le nom de Jésus ».
Librement, nous sommes, nous aussi appelés à accueillir Jésus. Voulons-nous accueillir le salut ?
Comment me direz-vous ? Noël est un évènement. Marie, dans la crèche de Bethléem, « retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur ». Le salut vient nous atteindre par cette somme infinie d’évènements où Jésus est là, avec tous ceux et par tous ceux qui se livrent à sa puissance et pour être ses instruments.
Le mystère du salut apporté par le Christ offre une espérance concrète à notre humanité – il n’est pas un vain rêve – parce qu’il nous rend acteur, coopérateur de la force de lumière et de paix qui jaillit du cœur de Dieu. Noël, est l’évènement conjugué de l’action de Dieu qui se donne à nous et de notre liberté humaine qui décuple nos forces lorsque nous accueillons ce don.
Reconnaître que Jésus nous sauve encore aujourd’hui, c’est rester attentifs à tous les évènements par lesquels il intervient encore dans notre Histoire. Essentiellement, dans les actes et paroles de sainteté dont nous pouvons être témoins jour après jour.
Savons-nous être attentifs à tous ceux qui autour de nous, par leurs actes de lumière, de vie, d’offrande, atteignent notre cœur et nous stimulent, influant sur le cours de l’Histoire. C’est par eux que notre cœur est travaillé et sauvé. C’est par eux que l’Histoire s’écrit puisqu’ils nous conduisent à poser des actes que nous n’aurions jamais posés sans eux.
Cet après midi, j’ai passé un long moment sur un site internet intitulé « Pierre et Charles ». Ces deux jeunes frères jumeaux de 22 ans, ont été emportés tragiquement par une avalanche, il y a exactement un an, le 24 décembre dernier. Pierre et Charles étaient profondément croyants. Passionnés de Dieu et passionnés des hommes, par leurs engagements et leur service. Passionnés de la beauté de la création et des montagnes en même temps que de leurs frères en humanité.
Les témoignages rassemblés à l’occasion de leur décès révèlent combien d’autres ont eu leur vie transformée à leur contact. Combien leur rayonnement a touché des cœurs au point de conduire d’autres à se donner à l’image du Christ serviteur. Dans une lettre à une des ses amies, Charles citait un passage de la prière eucharistique : « nous te rendons grâce car tu nous as choisis pour servir en ta présence ». Et il commentait : « quelle parole réconfortante ! ».
Quelle parole réconfortante de savoir que nous ne sommes pas seuls… et d’en prendre conscience par d’autres. Que Jésus est là – et qu’il est là par les frères qui nous sont donnés.
Frères et sœurs, nous venons de vivre une année difficile. Notre monde s’interroge. Notre monde se crispe. Notre monde s’inquiète. Nous en expérimentons les conséquences en chacune de nos vies…
Ce soir, en venant dans cette église, nous nous voyons confier une mission : être porteurs d’Espérance. Sûrs que l’Histoire reste à écrire – et que pour cela, nous sommes les instruments du Seigneur… pour peu que nous nous laissions sauvés par lui.
Jésus s’adresse à nous et nous sauve à chaque fois que notre cœur est touché par l’élan d’amour d’un autre – prolongement de l’offrande du Christ. Un effort fourni. Un renoncement librement choisi. Un refus du mensonge, de la compromission ou de la déformation. Un acte de courage, la transmission de la joie, une parole de consolation.
En cette nuit, soyons porteurs d’Espérance en nous laissant atteindre par l’Espérance des saints ! Ils sont porteurs d’Espérance ceux qui pensent leur avenir autrement que comme une course à l’argent et au pouvoir et choisissent d’être généreux. Ils sont porteurs d’espérance les pères, mères et enfants, les familles, qui misent sur la fidélité, le don de soi, l’accueil de la vie. Ils sont porteurs d’Espérance les éducateurs, les responsables politiques, tous ceux qui relèvent leurs manches pour servir ce monde dans la lumière de l’Evangile. Ils sont porteurs d’Espérance ceux qui n’opposent pas la fidélité à leurs frères et la fidélité à Dieu.
Frères et sœurs, l’action de Dieu peut changer toute chose de notre Histoire, par nos mains, si nous nous livrons à elle. Si nous lui-sommes fidèles. Avec le Christ, vainqueur de la croix, nous ne craignons rien. Les forces de vies sont bien plus fortes que les forces de mort. « Les ténèbres ne peuvent pas chasser les ténèbres. Seule la lumière le peut. La haine ne peut chasser la haine. Seul l’Amour le peut » (Martin Luther King). L’Amour, c’est le Christ. C’est lui qui nous sauve. En particulier dans cet immense mystère qui nous rassemble ce soir où il nous livre sa Parole et son Corps.
« Réjouissez-vous, hommes libres, voici naitre celui qui vous donne la liberté » (Saint Augustin).
Ouvrons grand nos cœurs pour accueillir celui qui se donne à nous.
Amen.
Homélie - Le fils de la veuve de Naïm (Luc 7, 11-17)
Notre-Dame-de-Nantes, 10ème dimanche du temps ordinaire, 5 juin 2016
par le P. Sébastien de Groulard, Curé
"Au cœur de la prière eucharistique"
L’évangile s’ouvre aujourd’hui de manière douloureuse… Il rejoint peut-être notre propre douleur. Parce qu’il y est question de la souffrance d’une femme, d’une mère, d’une veuve. Elle vient de perdre son fils, son unique. Ce n’est pas l’ordre des choses. Une mère n’a pas vocation à voir partir celui qu’elle a porté dans ses entrailles.
Une « grande » foule accompagne Jésus. Elle rejoint une autre foule « importante » celle-là – précise saint-Luc. Une foule qui suit cette mère en larmes. Foule impuissante à consoler vraiment.
Pourtant, comme sa présence est importante. Comme la présence des autres, lorsque nous sommes dans l’épreuve, est importante. Le grand mystère de l’Eglise se révèle peut-être davantage dans ces moments là. Lorsque survient l’épreuve et le deuil, comme il est bon d’être épaulé, entouré. Les personnes engagées dans l’accompagnement des familles en deuil en savent quelque chose.
La présence des autres est importante. En même temps, l’expérience de cette mère est l’expérience d’une certaine solitude : sa place est unique. Elle ne peut inverser les rôles avec ceux qui l’entourent.
Telle est la réalité. Tel est le réel – contrairement au monde virtuel ou chacun peut jouer un rôle puis changer. Dans la vraie vie, nous avons une place unique que personne ne peut assumer à notre place.
Place dont nous prenons peut être davantage la mesure lorsque survient l’épreuve ultime – celle de cette mère qui perd l’enfant qu’elle a porté – ou de même celle du départ d’un époux, d’une épouse, d’un parent proche… Plus largement dans notre expérience de vie, épreuves qui surviennent de nos responsabilités à assumer, dans une famille, un métier, un engagement. Epreuves qui sont le fruit de l’injustice.
A chaque fois que survient l’épreuve, une foule peut nous entourer et nous aider. Mais il y aura toujours une part de nous-mêmes confrontée à la solitude – avec la tentation de la désespérance ou du découragement.
Ce que l’évangile veut nous rappeler aujourd’hui, c’est combien notre foi dans le Christ veut transfigurer nos épreuves : nous ne sommes jamais seuls.
Jésus, voyant cette femme en pleurs, largement entourée et pourtant si seule, s’approche de l’enfant. Il touche le cercueil et dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève toi. Alors le mort se redressa et se mit à parler ».
Jésus, dans tous les évangiles n’accomplit que trois miracles de ce type. Il fait sortir Lazare de son tombeau. Il réveille la fille de Jaïre – épisode raconté à la fois par Matthieu, Marc et Luc. Puis il relève le fils de la veuve de Naïm, tel que nous le rapporte Luc.
A chaque fois, Jésus accomplit un acte prophétique. Après avoir relevé le fils de la veuve de Naïm, les disciples de Jean viennent voir Jésus. Il leur dit : « Allez annoncer à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent ». Ainsi la porte de la ville de Naïm, Jésus accomplit la parole du prophète Isaïe. Il annonce déjà sa propre résurrection.
Ces miracles – ces actes prophétiques de Jésus – viennent nous dire que le salut est donné en chacune de nos vies, jusque dans l’expérience de la solitude lorsque nous sommes confrontés à l’épreuve – et la mort. Lorsque nous faisons l’expérience d’un vide, d’une absence qu’il faut assumer. Parce qu’aucun homme, aucune foule, aussi considérable soit-elle ne peut se mettre à notre place.
Jésus a besoin d’une seule chose : notre acte de foi.
« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » dit Jésus devant le tombeau de Lazare. « Ne crains pas, crois seulement » dit-il à Jaïre. A la sortie de Naïm, il ne dit rien. Mais il voit. Il voit les larmes d’une femme, expression de sa détresse, de son désir d’être consolée. Jésus lui-même a pleuré lorsqu’il a appris la mort de son ami Lazare. C’est le verset le plus court de tous les évangiles. Simplement deux mots : « Jésus pleura ». Le témoignage des larmes est aussi un cri vers Dieu. Comment ne pas associer la béatitude des larmes – « heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés » - avec la première – celle qui fait de nous des mendiants de Dieu et qui est la clef de voute de toutes les autres – « heureux les pauvres de cœur ».
Frères et sœurs, lorsque nous aussi, pour différentes raisons, nous faisons l’expérience d’une solitude profonde, parce que personne ne peut se mettre à notre place, Jésus veut être notre consolation. Pour cela, il n’attend qu’une chose : notre acte de foi.
Vendredi dernier, nous avons célébré la solennité du Sacré-Cœur de Jésus. Nous n’avons pas médité sur un aspect de l’histoire du salut – l’incarnation, la transfiguration, l’ascension… mais nous nous sommes fixés sur le cœur même de Jésus. Par sa passion et sa résurrection, le cœur humain de Jésus est devenu dépositaire de l’angoisse de Dieu pour toute misère humaine ; toute détresse. Jusqu’à l’épreuve ultime de la mort qui sépare.
Celui qui apprend jour après jour, dans les petites choses, à s’ancrer sur le cœur de Dieu trouve en lui la paix et la force que seule Dieu peut donner. Chaque croix à porter est alors traversée par la lumière du tombeau de Pâques. Il prépare son cœur à vivre les grandes épreuves en restant debout, comme Marie au Golgotha.
Hier, je relisais le récit poignant des parents de Pierre et Charles, deux jumeaux de 22 ans décédés accidentellement en montagne la veille de Noël, il y a un an et demi. Récit d’où jaillit une douleur sans fond et des larmes. Celle d’un père et d’une mère séparés de leurs enfants.
Dans leur épreuve, ils évoquent leurs actes de foi, sans cesse renouvelés depuis ce drame.
Sur le livret de messe d’enterrement de leurs fils, ils avaient choisi cette phrase - « tu nous as choisis pour servir en ta présence ». Pour dire combien leurs enfants avaient voulu servir ici bas. Mais aussi pour dire leur espérance qu’ils continuaient, au Ciel, de servir. Quelques semaines plus tard ils retrouveront cette même phrase sur un ancien courrier de Charles où celui-ci évoquait son engagement comme chef scout : « nous te remercions, car tu nous as choisi pour servir en ta présence » et sur un signet rappelant l’engagement scout de Pierre.
Ces paroles sont au cœur de la prière eucharistique II. C’est l’acte de foi suprême. Là où Jésus vient rejoindre chacun pour se livrer à nouveau et combler notre solitude d’une communion de vie et d’amour infinie.
En Jésus, nous ne sommes jamais seuls. Dieu continue de visiter son peuple.
Amen.
Catéchèse du Pape François - Ils sont dans les mains bonnes et fortes de Dieu.
Place Saint-Pierre, Audience générale, Mercredi 17 juin 2015
Commentaire sur l'évangile "Le fils de la veuve de Naïm" (Luc 7, 11-17)
"Ils sont dans les mains bonnes et fortes de Dieu."
Dans l’itinéraire de catéchèses sur la famille, nous prenons aujourd’hui directement notre inspiration de l’épisode rapporté par l’évangéliste Luc, que nous venons d’écouter (cf. Lc 7, 11-15). C’est une scène très émouvante, qui nous montre la compassion de Jésus pour celui qui souffre — dans ce cas une veuve qui a perdu son fils unique — et nous montre également la puissance de Jésus sur la mort.
La mort est une expérience qui concerne toutes les familles, sans aucune exception. Elle fait partie de la vie, pourtant, quand elle touche les membres de la famille, la mort ne réussit jamais à nous apparaître naturelle. Pour les parents, survivre à ses propres enfants est quelque chose de particulièrement déchirant, qui contredit la nature élémentaire des relations qui donnent un sens à la famille elle-même. La perte d’un fils ou d’une fille est comme si le temps s’arrêtait : un précipice s’ouvre, qui engloutit le passé et aussi l’avenir. La mort, qui emporte l’enfant petit ou jeune, est une gifle aux promesses, aux dons et aux sacrifices d’amour joyeusement faits pour la vie que nous avons fait naître. Très souvent, à Sainte-Marthe, des parents viennent avec la photographie d’un fils, d’une fille, un enfant, un jeune homme ou une jeune fille, et ils me disent : « Il s’en est allé, elle s’en est allée ». Et leur regard est profondément douloureux. La mort touche et quand il s’agit d’un enfant, elle touche profondément. Toute la famille reste comme paralysée, muette. (…)
Dans ces cas, la mort est comme un trou noir qui s’ouvre dans la vie des familles et auquel nous ne savons donner aucune explication. Parfois, on arrive même à en attribuer la faute à Dieu. Combien de personnes — je les comprends — se fâchent contre Dieu, blasphèment : « Pourquoi m’as-tu enlevé mon fils, ma fille ? Dieu n’est pas là, Dieu n’existe pas ! Pourquoi a-t-il fait cela ? ». Très souvent, nous avons entendu cela. Mais cette colère est un peu ce qui vient du cœur à la suite d’une grande douleur ; la perte d’un fils ou d’une fille, d’un père ou d’une mère, est une grande douleur. Cela arrive sans cesse dans les familles. Dans ces cas, je l’ai dit, la mort est presque comme un abîme. (…)
Au sein du peuple de Dieu, avec la grâce de sa compassion donnée en Jésus, de nombreuses familles démontrent par les faits que la mort n’a pas le dernier mot : cela est un véritable acte de foi. Toutes les fois qu’une famille endeuillée — même par un deuil terrible — trouve la force de conserver la foi et l’amour qui nous unissent à ceux que nous aimons, elle empêche déjà à présent à la mort de tout emporter. L’obscurité de la mort doit être affrontée avec un travail d’amour plus intense. (…)
Dans cette foi, nous pouvons nous consoler l’un l’autre, en sachant que le Seigneur a vaincu la mort une fois pour toutes. Nos proches n’ont pas disparu dans l’obscurité du néant: l’espérance nous assure qu’ils sont entre les mains bonnes et fortes de Dieu. L’amour est plus fort que la mort. C’est pour cela que la voie est de faire grandir l’amour, de le rendre plus solide, et l’amour nous protègera jusqu’au jour où chaque larme sera essuyée, lorsqu’ « il n'y aura plus de mort, de pleur, de cri et de peine » (Ap 21, 4). Si nous nous laissons soutenir par cette foi, l’expérience du deuil peut générer une plus forte solidarité des liens familiaux, une nouvelle ouverture à la douleur des autres familles, une nouvelle fraternité avec les familles qui naissent et renaissent dans l’espérance. Naître et renaître dans l’espérance, cela nous donne la foi. Mais je voudrais souligner la dernière phrase de l’Évangile que nous avons entendue aujourd’hui (cf. Lc 7, 11-15). Après que Jésus a ramené à la vie ce jeune, fils de la mère qui était veuve, l’Évangile dit : « Jésus le rendit à sa mère ». Et telle est notre espérance ! Tous nos proches qui sont partis, le Seigneur nous les rendra et nous nous retrouverons. Cette espérance ne déçoit pas ! Rappelons-nous bien de ce geste de Jésus : « Et Jésus le rendit à sa mère », le Seigneur fera de même avec tous nos proches dans la famille ! (…)
Il est aujourd’hui nécessaire que les pasteurs et tous les chrétiens expriment de façon concrète le sens de la foi à l’égard de l’expérience familiale du deuil. On ne doit pas nier le droit de pleurer — nous devons pleurer dans le deuil —, même Jésus « pleura » et fut « profondément troublé » pour le deuil grave d’une famille qu’il aimait (Jn 11, 33-37). Nous pouvons plutôt puiser dans le témoignage simple et fort de tant de familles qui ont su saisir, dans le très difficile passage de la mort, également le passage certain du Seigneur, crucifié et ressuscité, avec son irrévocable promesse de résurrection des morts. Le travail de l’amour de Dieu est plus fort que le travail de la mort. C’est de cet amour, c’est précisément de cet amour que nous devons nous faire « complices » actifs, avec notre foi !
Et souvenons-nous de ce geste de Jésus : « Et Jésus le rendit à sa mère », il fera de même avec tous nos proches et avec nous quand nous nous rencontrerons, lorsque la mort sera définitivement vaincue en nous. Celle-ci est vaincue par la croix de Jésus. Jésus nous rassemblera tous en famille !