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Cimetière de Naves-Fontaine (Savoie)

24 Octobre 2015

Messe a l'occasion du transfert de Pierre et Charles dans le caveau familial


Messe de Sainte Marie, consolatrice des affligés

Présidée par le Père E. de Kermadec, curé de la paroisse Sainte-Marie-en-Presqu'île (Lyon)

Concélébrée par le Père Roland-Dominique Niel, Salésien, aumônier de l'Ecole de l'Air (Salon-de-Provence)

Lectures du jour : Rm 8, 1-11 ; Psaume 23(24) ; Lc 13, 1-9 


Homélie, par le père Eric

Nous recevons les lectures de la messe du jour, celles que nous donne la liturgie de l’Eglise en ce samedi. Avec Marie, dans la communion des saints, nous accueillons dans la foi cette Parole de Dieu qui va éclairer et soutenir l’étape qui est à vivre aujourd’hui autour de nos 2 frères bien-aimés, Pierre et Charles.

Juste avant les versets de la 1ère lecture d’aujourd’hui, tirés du chapitre 8 de l’épitre aux Romains – tout entier sous le signe de l’action de l’Esprit Saint –, St Paul a décrit la condition d’aliénation de l’homme pécheur : « Malheureux homme que je suis, qui donc me délivrera de ce corps qui m’entraîne à la mort ? ». Mais pour rebondir aussitôt en action de grâce : « Mais grâce soit rendue à Dieu, par Jésus Christ, notre Seigneur ! » (Rm 7, 24-25).

Car, « pour ceux qui sont dans le Christ Jésus » (Rm 8, 1), une libération est arrivée : celle que nous offre l’Esprit Saint, à l’intime de nous-mêmes. Cette libération est en cours, elle nous conduira des « souffrances du temps présent » (Rm 8, 18) à la gloire à venir, mais non sans les gémissements d’un enfantement douloureux qui traverse l’histoire, notre monde, nos familles, et même toute la création (cf. Rm 8, 22-23).

Cette gloire à venir, nous l’attendons avec persévérance, avec l’assurance de la foi, et même une sainte impatience : nous sommes tendus vers les « cieux nouveaux et la terre nouvelle », selon la promesse du Seigneur (cf. 2 P 3, 13). 

Depuis la résurrection du Christ, un gigantesque travail d’enfantement est en cours, porté par un dessein de Dieu qui nous

dépasse totalement. Pour entrer dans ce dessein de Dieu, pour ouvrir nos yeux et nos esprits, pour nous donner la confiance et le courage nécessaires à l’aventure de cette vie, l’Esprit Saint nous est donné, qui « vient en aide à notre faiblesse » (Rm 8, 26).

En fait, tout consiste, selon les mots de St Paul, à être « dans le Christ Jésus » (Rm 8, 1). Là où l’Esprit donne la vie. Là où nous revêtons le Christ, pour lui ressembler de plus en plus.

C’est au baptême que commence en nous cette assimilation du cadeau qui nous a été fait : nous sommes entraînés dans une longue entreprise de guérison, de transformation de l’intérieur, de maturation en sainteté. C’est-à-dire d’amitié stable, sereine et contagieuse avec Dieu et avec nos frères.

J’aime particulièrement cette histoire, qui se passe chez nos frères orthodoxes et en dit plus long que toute explication sur le réalisme et la radicalité du baptême : lors d'un camp de jeunes qui se tenait sur les rives du Rhône, un prêtre [P. Cyrille Argenti] devait baptiser un adolescent et c'est dans le fleuve que fut immergé le catéchumène. De l'autre côté du fleuve, des riverains virent l'attroupement et, inquiets, alertèrent les pompiers. Lorsque ceux-ci arrivèrent, ils demandèrent : « Où est le noyé ? » Le nouveau baptisé s’avança et répondit : « C'est moi. J'étais mort et je suis ressuscité » !

Au baptême, nous sommes donc vraiment touchés et introduits dans la vie nouvelle que nous donne le Christ ressuscité. Et pourtant, malgré ce baptême, nous ne sommes pas totalement soustraits au péché et à la mort. Le péché continue à tenter l’homme, la mort frappe des proches… Alors, ô mort, où est-elle donc ta défaite ?! Qu’en est-il donc de cette victoire de Dieu ?! Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine – vide – est notre foi (cf. 1 Co 15, 14) – d’accord –, mais s’il est ressuscité, qu’y a-t-il de vraiment changé dans notre condition humaine ?

St Paul nous l’a dit, quelques versets plus loin : « nous avons été sauvés, mais c’est en espérance » (Rm 8, 24). Notre espérance, c’est la résurrection du Christ : si l’Esprit du Père qui a ressuscité Jésus est en nous – « il est Seigneur et il donne la vie » – nous croyons, à la suite de St Paul, que ce même Esprit nous donnera part à cette résurrection, jusqu’en la résurrection de notre chair.

Être dans le Christ, demeurer en lui. Cette vie – la vie éternelle – qui commence durant notre pèlerinage terrestre et s’épanouit en gloire sous l’emprise de l’Esprit Saint.

Nous le croyons pour nous-mêmes, pour tous ceux que nous aimons. Nous le croyons pour Pierre et Charles, de tout notre cœur, nous soutenant les uns les autres pour trouver la force d’avancer, d’espérer, de rendre grâce.

Rendre grâce pour la fécondité de leur vie et de leur Pâque – nous en avons recueilli tant de témoignages! Rendre grâce pour le rayonnement de leur foi, de leur prière, pour leurs cœurs d’apôtres. Rendre grâce pour leur amour de l’Eucharistie, pour leur communion fraternelle à tous les deux, pour l’amour qu’ils ont semé autour d’eux, en famille et là où la Providence les a conduits. Chacun à sa façon, et aussi ensemble, en frères et en jumeaux, avec les fruits que Dieu voulait trouver en chacune de leur vies – et dont nous parle avec gravité l’Evangile de ce jour. Ces fruits déjà murs que Dieu avait sans doute hâte de cueillir si tôt…

Mystère de cette séparation douloureuse et si dépouillante, et en même temps – osons le dire – séparation provisoire, puisque, nous le croyons, ce sera un jour dans l’éternité la joie débordante des retrouvailles et la victoire de la tendresse sur l’écartèlement du cœur…

Comment ne pas penser à Marie et à ce qu’il lui a été demandé de vivre entre l’Ascension de Jésus et son Assomption à elle ? Marie restée là pour accompagner la foi naissante des apôtres, pour participer à l’enfantement d’une Eglise remplie de la présence nouvelle de son Seigneur, plus vivant que jamais ! Demeurée là, pleine de grâce, toute sainte, toute simple, toute sous l’emprise de l’Esprit : pour encourager les uns, réveiller les autres, garder dans son cœur de Mère ce peuple fait de chair et de sang mais sans cesse appelé à renaître, à vivre, à aller de l’avant. Marie de la Pentecôte, qui voit les apôtres transformés, délivrés de toute peur, inondés de paix et de force !

Comment ne pas penser, en ces jours qui suivent leur canonisation, aux saints époux Louis et Zélie Martin, éprouvés par la mort de 4 enfants en bas âge : Hélène, Joseph-Louis, Joseph-Jean-Baptiste et Mélanie-Thérèse ? Louis et Zélie, qui éduqueront leurs enfants pour qu’ils deviennent des saints : qui désireront un garçon pour qu’il soit prêtre, qui voudront préparer leurs filles à fonder des familles… et c’est 5 religieuses qu’ils offriront à l’Eglise ! 4 au Carmel de Lisieux, 1 à la Visitation de Caen, dont la chère Thérèse qui nous est si proche.

Louis Martin avait envisagé d’entrer chez les Chanoines de St Augustin de l’Hospice du Grand Saint-Bernard, séduit par l’immensité et la beauté de cette montagne et fasciné par la mission de ces frères qui risquaient leur vie pour secourir les personnes franchissant les Alpes et perdues en haute montagne ; Zélie avait voulu rentrer chez les Filles de la Charité de St Vincent de Paul à Alençon. Finalement ils se marieraient, et quelle fécondité ! Une profusion de vie – 9 enfants – et de sainteté, mais profusion de vie ô combien marquée par la croix du Seigneur…

Comment ne pas penser à St Jean Paul II, fêté il y a deux jours ! Jean Paul II dont le cri « n’ayez pas peur ! » de l’inauguration de son pontificat eut la puissance d’un exorcisme sur une communauté catholique alors pétrifiée par la peur, cri de foi qui fut comme le début d’une résurrection spirituelle.

Comment ne pas penser à la Toussaint, que nous fêterons dans une semaine : cette fête qui nous tourne vers le Ciel et nous plonge dans le mystère de la communion des saints… Les saints du Ciel, nos frères aînés, avec Pierre et Charles, qui nous demandent d’accepter notre condition de pèlerins sur la terre. De l’accepter comme un don et comme une mission. Avec l’élan – quand il est là – et la patience – quand le chemin se fait plus dur. Avec surtout la grâce de découvrir que nous sommes mystérieusement portés, accompagnés, attendus aussi…

Dans l’Evangile du jour, Jésus désamorce l’interprétation selon laquelle nous serions à la merci de châtiments plus ou moins mérités ou épargnés en fonction de notre conduite. Nous savons qu’il n’en est rien. Un seul appel, en définitive, repose sur chacune de nos vies : l’appel à la conversion, c’est-à-dire au retour à Dieu jusqu’à ne plus le quitter – ou de moins en moins, en revenant à lui de plus en plus vite ! En laissant sa miséricorde nous convertir de plus en plus, jusqu’à nous être chevillée au corps…

L’appel, en définitive, à suivre Jésus, comme on suit un guide de montagne qui connaît – et lui seul – le chemin du Royaume ; l’appel à accueillir la vie éternelle au point d’y passer tout entier, librement, en confiance… « La vie éternelle fait irruption en nous et supprime du même coup notre vie mortelle. Nous assistons à la fin d’un certain régime de vie. Mais, à travers cette fin, le regard croyant peut découvrir déjà la présence de la vie éternelle. Notre vie elle-même nous conduit vers la mort parce que notre vie mortelle est faite pour accueillir la vie éternelle. Et cette inclination intime s’accentue jusqu’au point de rupture où notre vie temporelle bascule dans la vie éternelle » (J.-M. Garrigues).

C’est cet appel, quand il est entendu, reçu, jusqu’au dernier acquiescement du grand passage, toujours enveloppé par la présence et la prière de Marie – « maintenant et à l’heure de notre mort » : un jour les deux se rejoignent – qui fait les vies « réussies » : comme dans les mystères du Rosaire, une composition de joies, de lumières et de douleurs, où perce la gloire de Dieu.



Pierre et Charles, nous voudrions aujourd’hui vous dire merci:

Merci pour le témoignage que vous avez donné dans votre vie comme dans votre grand passage.

Merci pour votre prière qui nous enveloppe. 

Merci de nous donner le goût du Royaume. 

Merci de nous donner tout le courage voulu pour découvrir ce Royaume qui perce dans nos vies bien incarnées de la terre. 

Merci pour votre sens de la nature comme écrin du mystère de Dieu et initiation à la découverte de sa splendeur. 

Merci pour votre amour de l’Eucharistie, de la messe et de la prière. 

Aidez-nous à grandir en intimité avec le Christ, aidez-nous à grandir en fidélité. 

Que votre sourire lumineux dissipe toute hésitation en nous et cautérise toute plaie de l’âme.

Que votre bonté nous rende accessible la bonté de Dieu.

AMEN.